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Stronghold


Drano

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Sur Tric trac il y a une video qui explique tres clairement les règles et en français..

Merci de la réponse. Je vais me taper 25 minute de vidéos pour trouver la réponse.

 

:fuckedup:laughingdude

 

Est-ce que ça c'est correct ? :

 

1) you have two dispatch actions you can use zero,one or both.

2) when you use dispatch action you start moving your units begining from places closest to the walls so:

a ) first rampart to wall- you can move up to 5/7 units from each rampart

b ) then from foregrounds to ramparts - you can move up to 5/7 units from each foreground to ramparts.

c ) at the end you can move up to 5/7 units to each foreground and barbican from camp

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Est-ce que ça c'est correct ? :

 

1) you have two dispatch actions you can use zero,one or both.

2) when you use dispatch action you start moving your units begining from places closest to the walls so:

a ) first rampart to wall- you can move up to 5/7 units from each rampart

b ) then from foregrounds to ramparts - you can move up to 5/7 units from each foreground to ramparts.

c ) at the end you can move up to 5/7 units to each foreground and barbican from camp

 

Tout correct!

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  • 11 months later...

Voici le journal de Ignacy Trzewiczek qui parle de la création du jeu Stronghold traduit en français par Itai sur le forum de Tric Trac je trouve les articles trés bien !!

 

un gros merci à Itai pour le super travail !!!

 

 

Ita Dit:Ceci est une traduction des journaux du créateur du jeu, publiés sur Boardgamenews. J'espère que vous me pardonnerez si la traduction est parfois imparfaite.

 

 

 

Ignacy Trzewiczek : Journal du concepteur du jeu #1 - Stronghold

 

Je m'en rappelle comme si c'était hier. J'étais dans un pub, le Kredens, avec le cercle de joueurs se développant lentement à Gliwice, une ville en Pologne méridionale avec une population de 200.000 habitants. Goor, Tiju et Bors étaient tous de nouvelles connaissances, et je ne les connaissais pas très bien à cette époque. Pour participer à cette soirée j'ai apporté Neuroshima Hex. Mes nouvelles connaissances l'ont regardé, ont secoué leurs têtes et dit, non, nous allons plutôt jouer à autre chose. Ils ont perçu le jeu comme particulièrement inintéressant. Beaucoup de mois plus tard ils sont devenus de grands fans du jeu, participant aux tournois et aux parties régulières - mais à l'époque, cette première rencontre avec NS Hex avait été extrêmement négative : Des tanks, des mutants, qu'est-ce que c'est… ? Jouons à autre chose.

 

A l'époque j'ai discuté longuement de NS HEX avec le chef de Rebel.pl, Piotr Katnik, qui m'a expliqué ceci : « Trzewik, c'est un très bon jeu, mais son thème fait fuir la majorité des clients. Personne n'achètera un jeu sur des mutants combattant des gangsters, sur des robots du futur et des résistants. Convertis-le en guerre des elfes contre les nains, fais une nouvelle édition et les ventes augmenteont de 300%. »

 

Peu de gens se rappellent de ces discussions maintenant parce que Neuroshima Hex est le plus grand et le plus connu jeu polonais, mais il y a trois ans le jeu avait deux traits distinctifs : de très bonnes critiques (avec des articles de Pedrak et Folko ; félicité par Bazik et Pancho parmi d'autres) et pratiquement aucune vente. Cela a pris beaucoup de mois de dur labeur à promouvoir le jeu, à participer à des conventions et à organiser des démonstrations pour pouvoir finalement amener les fans de jeu de plateau à ce jeu. Soudain les ventes ont monté, soudain la première édition a été épuisée en un rien de temps, et nous pouvions commencer à envisager une réédition - mais le début était horrible.

 

Nos difficultés avec Neuroshima Hex nous ont fait beaucoup réfléchir. Quand vous regardez les étagères dans un magasin de jeu, ce qui retient votre regard sont les boîtes de la crique des pirates (un jeu avec des pirates !), Galaxy trucker (un jeu avec des contrebandiers de l'espace !), Ghost Stories (un jeu avec des exorcistes !) - des jeux avec un tel thème que vous saisissez la boîte sans réfléchir à si la mécanique est innovatrice, si le jeu vient d'un auteur identifié, ou si le prix est de 20$ ou de 25$. Vous regardez l'étagère, voyez un jeu sur des zombies, et pensez automatiquement : « Cerveauuuuuuuux ! »

 

Je ne dirai pas que le thème d'un jeu est le plus important, que cela est plus important que la mécanique, mais je n'ai aucune doute aujourd'hui sur le fait que les deux sont également importants, que si vous avez deux jeux de qualité avec des règles bien rédigées, vous choisirez celui sur la formule 1 et pas celui sur le pâturage des chèvres.

 

Quelque part autour du début de 2008, quand nous avons su que nous éditerions Witchcraft cette année, nous nous sommes assis dans Portal et avons discuté de nos plans pour 2009. Nous avons décidé que nous avions besoin d'un sujet intéressant pour un jeu, un en qui nous croirions nous-mêmes, un pour lequel nous pourrions créer des règles intéressantes, et bien le tester et l'équilibrer. Mais avant que tout ceci ne puisse se produire, avant que nous commencions la création des règles, nous devions trouver un bon thème. Je me rappelle avoir dit à Michal Oracz, « écoute, prenons une feuille de papier et écrivons tous les thèmes sympas, colorés, aventureux auxquels nous pouvons penser. Il y a des tonnes de jeux sur les Vikings et les pirates. Nous avons besoin de quelque chose de semblable, de quelque chose lié à notre enfance et aux choses qui nous fascinaient. Days of Wonder le fait de cette façon et a une liste impressionnante de jeux, des gladiateurs à Cléopâtre aux chevaliers du Roi Arthur. »

 

C'était le début de 2008, donc nous ne nous sommes pas dépêchés puisque nous savions que nous aurions beaucoup de temps. Nous avons exploré nos souvenirs d'enfance et nous sommes demandés lesquels pourraient être convertis en jeu de plateau, un jeu qui apporterait un sentiment positif juste en étant posé sur une étagère dans un magasin.

 

« Stronghold ! » J'ai dit un jour en entrant dans le bureau de Portal - « une forteresse. » Quelques moments ont passé avant que Michal et Multidej comprennent, alors que je me tenais à la porte, attendant leur réaction en suspens. Enfin j'ai vu dans leurs yeux ce que j'avais moi-même ressenti. C'était ça : Stronghold

 

Ça à l'air bien, a admis Michal.

 

« On peut en faire quelque chose de bien, » j'ai pensé. « Nous ferons un Westerplatte » - la péninsule à Danzig où les Allemands ont lancé l'invasion de la Pologne et de la deuxième guerre mondiale en envoyant des milliers de troupes contre une garnison polonaise de seulement 182 soldats, une garnison qui tenu face à l'attaque pendant six jours en dépit des probabilités en leur défaveur. Westerplatte est la première chose que les enfants en Pologne apprennent à l'école, et c'est un grand symbole de courage et de patriotisme dans notre pays.

 

« Les défenseurs sont peu, et ils défendent une forteresse, entourée par les forces ennemies. Le joueur attaquant a un nombre illimité de forces, des piles de troupes, et donc il ne s'inquiète pas des pertes. Le défenseur a seulement une douzaine d'hommes environ sur les murs, et chaque homme tombé sur le mur est une catastrophe pour lui. Et vous savez, des machines de siège en grand nombre, des catapultes, des balistes, des trébuchets, des projectiles volant et heurtant les murs, des défenseurs versant de l'huile bouillante sur les forces ennemies, mais ce ne sera pas suffisant parce qu'ils sont trop nombreux. Une section du mur est détruite par une catapulte, et il faut y amener plus de forces, mais il n'y a plus de soldats à envoyer. Le défenseur a perdu trois hommes, et il ne peut pas entièrement défendre le mur, il y a des brèches à colmater, et l'envahisseur attaque inlassablement, une autre volée de catapultes est envoyée, visant l'hôpital dans le château… »

 

Je me suis tenu là dans la porte, ou peut-être déjà à l'intérieur, je ne me rappelle pas. Je sais que j'étais dans ce château, j'ai vu ce combat, j'ai vu le flot des attaquants et ces défenseurs désespérés, cette poignée de soldats, ordonnée d'aller de mur en mur par leur commandant, répondant à une menace dans une section, puis allant ailleurs parce que l'envahisseur a brisé les défenses, et à l'arrière, et ici et là… J'ai senti les émotions. J'ai imaginé les conséquences maléfiques des actions des attaquants et le désespoir des défenseurs.

 

Un siège de château. Des catapultes, des chaudrons avec de l'huile, des héros combattant sur les murs.

 

C'était ça. Nous avions un thème.

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Ignacy Trzewiczek : Journal du concepteur de jeu #2 - par les yeux de mon âme

 

La première étape de la conception d'un jeu est extraordinaire. Je n'ai aucune idée de la manière dont d'autres auteurs créent des jeux, quel est le processus pour Knizia, Kramer ou Faidutti. Je sais comment je le fais. C'est quelque chose de très étrange : J'imagine des personnes jouant à mon jeu.

 

Au début je ne m'inquiète pas du tout de la mécanique. Je ne fais pas une ébauche pour une idée sympa d'enchères, je ne prends pas de notes sur une manière intéressante de tirage de cartes. Je conduis ma voiture, écoute de la bonne musique, et imagine des personnes jouant à mon jeu. Je pense à quelles émotions je veux aboutir, je pense à ce que je voudrais que les joueurs fassent pendant le jeu. J'imagine la partie entière. Après je trouverai les règles qui fourniront les sensations et les émotions auxquelles j'ai rêvé.

 

À quoi les premières images de Stronghold ont-elles ressemblé ? Comment est-ce que j'ai imaginé le jeu ?

 

Dans le premier article de cette série j'ai employé le mot Westerplatte, et justement. C'est ainsi que j'ai imaginé le jeu : D'énormes troupes d'invasion d'un côté, et quelques défenseurs de l'autre. Une vague de troupes sans visage, une masse énorme de soldats d'un côté et une poignée de soldats soutenus par quelques personnages spéciaux de l'autre. D'un côté les régiments successifs des attaquants, de l'autre quelque chose qui ressemble à la Communauté de l'Anneau, avec un Aragorn charismatique, un Boromir courageux, un Gandalf sage. Je voulais un sentiment de l'inévitabilité de la défaite du château, je voulais que le joueur attaquant ait un sourire sinistre sur son visage, qu'il soit certain qu'il entrera finalement dans le château, que ce sera juste une question de temps. Je voulais qu'il amasse ses troupes sur les murs, qu'il construise des catapultes et des engins de siège et qu'il contrecarre les efforts du défenseur désespéré avec une satisfaction cruelle.

 

De l'autre côté j'ai imaginé ce défenseur, un joueur avec quatre ou cinq héros sur les murs qui aident les troupes du défenseur à persévérer, qui grâce à leurs talents uniques permettent aux défenseurs de résister à la pression de l'ennemi. J'ai imaginé le joueur défenseur déclarer qu'Aragorn fait un discours devant les troupes, que chaque soldat sur le mur dispose maintenant d'un bonus en force de +1, j'ai imaginé Boromir charger dans la masse des ennemis et retirer tous les marqueurs de l'envahisseur sur une des sections du mur. J'ai imaginé l'envahisseur reconnaître ce revers avec un sourire de mépris et chuchotant : « C'est ton dernier tour. Tu as bien tenu, mais maintenant c'est la fin... »

 

Dans ces suppositions initiales, rapidement imaginées, je voulais que le défenseur gagne en survivant dix tours, ou perde si l'envahisseur pénétrait dans le château. Par la suite cette condition a changé, mais c'était mon approche au début : Un plan à réaliser et la pression de forces constantes contre l'improvisation et le constant colmatage de brèches. D'énormes troupes d'invasion contre des défenseurs uniques et puissants, chacun ayant seulement quelques talents. Des catapultes heurtant les murs tour après tour, un combat sur les murs, où dix envahisseurs tombent pour deux défenseurs - mais pour l'envahisseur dix pertes ne sont rien, tandis que deux hommes tombés pour le défenseur le rapprochent d'autant de la défaite.

 

Cette visualisation du jeu est une aventure fascinante. C'est une étape où tout est possible, un moment où je peux peindre les scènes les plus intéressantes dans ma tête et imaginer que les règles de jeu parviendront à porter mes rêves et à les rendre réels. Et que je pourrai créer la mécanique de jeu qui fournira les émotions et les impressions que je vois dans mes rêves. Et que dans quelques mois, quand les joueurs s'assiéront pour jouer à ce jeu, il y aura ce sourire cruel plein d'assurance sur le visage de l'envahisseur, et le visage du défenseur sera celui d'un commandant courageux qui a seulement quelques soldats, mais qui ne se rendra pour rien au monde, un homme qui fera tout son possible pour utiliser chaque règle que j'aurai créée pour tenir le château jusqu'au dixième tour.

 

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Je suis allé à Varsovie en décembre 2008 rencontrer des amis, et nous avons joué, nous nous sommes amusés et avons discuté de jeux. À un certain moment une question a été posée : « Trzewik, tu connais beaucoup de jeux. Écoute, je recherche un jeu qui ne place pas les joueurs dans la même position. Tu sais, toutes les fois que j'achète un jeu, chaque joueur commence avec exactement la même chose, les joueurs poursuivent le même but, pour apprendre par la suite qui, avec la même position de départ, a fait mieux. Je recherche un jeu différent. Un jeu avec différents buts pour différents joueurs, ou avec différentes positions de départ, je ne sais pas, quelque chose qui me ferait ressentir que chaque personne à la table met en application une tactique différente. Qu'est-ce que tu recommanderais ? »

 

Pauvre de moi, qu'étais-je censé faire ? Le type me prend pour une autorité, me demande directement un conseil, et je le regarde fixement sans arriver à penser à rien. « Tu sais, je ne sais pas. Dans Starcraft de ce que je sais les races sont toutes différentes. Dans NS HEX, les armées sont aussi complètement diffèrentes… »

 

Ce n'était pas ce qu'il avait espéré. « Mais tu sais, il faudrait que cela soit vraiment différent, pas juste qu'un joueur ait une capacité différente, mais que chacun des joueurs joue différemment. Le plateau serait le lieu où ils s'affrontent, mais leur objectifs et les outils pour les réaliser seraient complètement différents. »

 

Je le regardais, regardant le mur derrière lui. Je passais en revue mentalement toutes les boîtes sur l'étagère de ma maison, et il avait raison. Dans ces jeux les joueurs ont la même position de départ, le même but, et au cours du jeu ils voient qui a atteint ce but plus efficacement. Finalement je me suis rappelé de Stronghold. « Tu sais, je ne sais pas s'il y a un tel jeu, je ne peux m'en souvenir d'aucun. Mais l'année prochaine il y en aura un. J'ai passé du temps à travailler à un jeu depuis quelque temps déjà, un jeu de plateau sur le siège d'un château. Les joueurs sont dans des situations totalement différentes, et ont des outils totalement différents pour atteindre différents buts. Cela pourrait être ce que tu recherches. Et je peux te dire qu'en travaillant dessus je ne m'étais pas rendu compte à quel point il était innovant. Je n'avais jamais fait attention. »

 

Depuis cette conversation j'ai régulièrement veillé à rendre l'amusement de l'envahisseur et du défenseur différents autant que possible. Peut-être que ce sera ce point qui fera de ce jeu un succès.

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Ignacy Trzewiczek : Journal du concepteur de jeu #3 - La piste de Prinz

 

Peter Prinz est entré dans les livres d'histoire du jeu de plateau en créant Thèbes et en nous donnant à tous un outil de conception extraordinaire sous la forme d'une piste de temps autour du plateau de jeu. Dans son jeu de société au sujet d'archéologues, les joueurs prennent différentes actions qui, selon leur type, prennent plus ou moins de temps, et ces actions sont enregistrées sur la piste du temps. Un joueur va à Moscou, gaspillant quatre semaines dans le processus, alors qu'un autre reste à Londres, écoutant des conférences pendant ce temps et parvenant même à aller à Paris. Un joueur va en Égypte, y passant cinq semaines et se déplaçant le long de la voie de temps par un grand nombre de cases, alors que pendant ce temps un autre joueur parviendra à faire beaucoup d'actions courtes, sautant seulement une ou deux cases à la fois. C'est une grande invention - et je l'ai volée avec plaisir. Elle a fait partie de Stronghold depuis le début.

 

Dans le jeu de Prinz les joueurs retournent des cartes et choisissent celle qui les intéresse le plus, consacrant un certain nombre de temps à cette carte. Dans Stronghold il y a encore plus de stress lié au temps, faisant fonctionner la piste du temps de Prinz encore mieux. Le défenseur et l'envahisseur ont toutes les options devant eux. Ils n'attendent pas qu'une carte arrive, ils n'évaluent pas sa valeur. Tout ce qui est possible est disponible immédiatement, visible à tous. L'attaquant a une gamme entière d'actions : Il peut choisir de construire une catapulte ou de former ses soldats, il peut décider de déplacer ses troupes et d'attaquer les murs. C'est lui qui décide ce qu'il veut faire. Il prend une décision, et un des facteurs les plus importants dans ce processus est la réponse à la question : « Est-ce que j'ai le temps de le faire ? » Imaginons la situation suivante :

 

L'envahisseur construit une catapulte, qui est un processus long ; disons quarante unités de temps. Maintenant c'est le tour du défenseur, et il décide quoi faire : Il peut renforcer les murs deux fois avec ce temps. Il peut commencer à construire une baliste. Il peut se déplacer vers une section du mur et même parvenir à former deux soldats. Il décide, il a le choix. Il décide de construire une baliste, ainsi c'est à nouveau à l'attaquant, qui choisit d'aller de l'avant, ne donnant pas de temps au défenseur. Il abandonne son plan de construire une autre engin de siege et se dirige immédiatement vers les murs. Ceci lui prend seulement deux unités de temps, ainsi le défenseur a maintenant seulement une case sur la piste de temps qu'il peut utiliser. Il peut faire quelque chose de court, simple, avant que le tour de l'envahisseur ne reprenne…

 

La piste de Prinz semble avoir été créée particulièrement pour Stronghold. Les émotions que les joueurs ressentent en décidant de la prochaine étape doivent être énormes. Est-ce que vous prenez une action simple et faible pour pouvoir jouer en permanence, ou est-ce que vous vous arrêtez, décidez de faire quelque chose de grand et de puissant, mais en laissant le jeu actif pendant un temps considérable et observant comment l'adversaire agit autour du plateau action après action ? La réalisation de ceci a seulement nécessité de donner aux joueurs un choix intéressant et différencié d'actions disponibles, puis de regarder comment ils font chauffer leurs cerveaux, comment ils changent de tactique, comment ils prennent le risque de commencer une action prolongée, se condamnant à observer sans rien pouvoir faire comment l'adversaire se prépare à les défaire.

 

De plus, plutôt que d'avoir un pion pour chaque joueur qui se déplace sur la piste du temps, comme dans Thèbes, j'ai pris ce pion et l'ai divisé en plusieurs pions - un pour chaque personnage dans Stronghold. Après tout, le défenseur a plusieurs personnages, et chacun d'eux peut prendre des actions spéciales : Le sorcier peut jeter différents sorts, le chef peut faire plusieurs choses sur le mur, etc.

 

Le tout commençait à prendre la forme d'un roman épique, et pour voir tout le cours du jeu tout ce qu'il y avait à faire était de fermer ses yeux pour un instant. Le sorcier décide de jeter un sort puissant, donc son pion avance de huit cases sur la piste du temps. Le défenseur de château sera sans son appui pendant longtemps, mais une fois que ces huit « heures » seront passées les troupes d'invasion s'en prendront plein la tête. Le prêtre dans l'hôpital décide de guérir quatre bléssés, qui lui prendront quatre « heures ». L'officier, pendant dans ce temps, court le long des murs résolvant des problèmes utilisant les moyens les plus simples et les moins onéreux. Les pions de l'envahisseur sont également étalés sur toute la piste du temps. L'ingénieur s'est consacré à la construction d'une tour de siège et a disparu pendant dix « heures », le guerrier se jette sur le mur et a systématiquement massacré les soldats les plus faibles du défenseur, consacrant une « heure » à chacun d'eux…

 

Vous pouvez voir le passage du temps. Vous pouvez voir les hommes se répartir à travers la bataille, occupés avec leurs actions, vous pouvez voir les efforts des deux côtés pour s'approprier et contenir la confusion de la bataille. Vous pouvez voir l'envahisseur essayer de tirer profit « de l'absence de huit heures » du sorcier ennemi. Vous pouvez voir l'officier du défenseur, se rendant compte maintenant qu'il doit faire tout son possible pour tenir le château, employant même les plus petites règles du jeu pour survivre à ces huit « heures » sanglantes, en l'absence du sorcier, qui est occupé avec son sort.

 

J'ai vu tout cela avec les yeux de mon imagination, et j'ai su que cela fonctionnerait brillamment.

 

Et alors j'ai ajouté encore plus de scénario et d'émotions à la piste. J'en ai peint une partie en noir, pour marquer la nuit. Pendant la nuit l'envahisseur recevait un bonus de +1 en force à toutes ses unités. Les défenseurs effrayés savaient que quand les marqueurs de temps atteindraient les places foncées, l'attaque débuterait. Ils savaient que seulement cinq, quatre, puis trois heures les séparaient de la tombée de la nuit… Je leur ai donné une récompense, aussi, un espoir avec l'arrivée de l'aube. Avec le nouveau jour, toutes les forces de défense obtiendraient un bonus de force, leur fatigue s'estomperait, les blessés guériraient plus rapidement. Un nouveau jour, un nouvel espoir, une nouvelle force.

 

La piste de Prinz a semblé être une invention qui d'une manière ridiculement simple transformerait le jeu entier en conte épique.

 

Évidemment, cela n'a pas été le cas.

 

Le premier signe de problème est apparu quand je jouais à Novembre Rouge de Bruno Faidutti. Faidutti, comme moi, est tombé amoureux de la piste de temps de Thebes, et comme moi il a voulu l'employer dans son jeu. J'ai joué à Novembre Rouge quatre fois et à chaque fois il y avait des problèmes avec la piste de Prinz. Les joueurs ne comprenaient pas qui pouvait faire quoi et quand, combien d'actions ils pouvaient faire, quand ils devraient s'arrêter, à qui le tour était. Quelque chose de fâcheusement inconcevable se produisait. Le fonctionnement excellent de la piste de Prinz dans Thebes d'une certaine manière ne fonctionnait pas dans de manière convaincante dans le jeu de Faidutti. Elle devenait gênante et forçait les joueurs à relire le manuel pour s'assurer de ce qui a était possible et ce qui ne l'était pas.

 

Plus tard, un des tous premiers prototypes de Stronghold était prêt à jouer. Je jouais avec Salou, le propriétaire du magasin « U Zyrafy » à Gliwice. Nous nous asseyions avec la première version du plateau devant nous, beaucoup de pions, de notes. Les personnages avaient leurs actions notées, nous avons commencé à jouer.

 

Nous nous sommes arrêtés rapidement et cela s'est produit comme ceci :

 

L'officier a pris une action et a déplacé de quatre cases. Le sorcier a pris une action et s'est déplacé de six cases. Le prêtre… Je ne voulais pas qu'il prenne une action tout de suite, du coup le prêtre ne s'est pas déplacé. Mais c'était son tour maintenant. Mais je n'avais pas besoin qu'il prenne d'action. Mais c'était son tour maintenant, donc il devait faire quelque chose. Mais je ne voulais pas...

 

Une correction rapide a été créée. Un joueur pourrait dire qu'il passe et le pion de ce personnage se déplacerait sur la piste vers le personnage le plus proche. Cela semblait fonctionner.

 

Cela ne fonctionnait pas. Après dix minutes nous avons convenu que le jeu n'était pas censé ressembler à celà, que la piste merveilleuse de Prinz était précaire dans Stronghold. Le jeu s'est transformé en « je passe » en permanence parce que très souvent un personnage n'avait pas besoin de faire d'action.

 

Plusieurs mois à imaginer le cours du jeu, à prendre des notes, à esquisser des règles - tout cela basé sur la piste de Prinz. Il semblait que je pouvait prendre tout cela et le jeter à la corbeille.

 

J'étais effondré.

 

Les tiroirs des auteurs de jeu sont pleins de diverses, plus-ou-moins intéressantes idées pour des jeux. Leurs casiers sont pleins d'excellentes mécaniques, qui ne semblent pas fonctionner de quelque façon que ce soit. J'en sais quelque chose...

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Ignacy Trzewiczek : Le journal du concepteur de jeu #4 - les Sabliers

 

La piste de Prinz n'a pas répondu à mes espérances et il semblait que Stronghold allait être paralysé pendant des semaines. Salou et moi jouions le deuxième ou troisième tour, et nous pouvions clairement voir que la piste du temps ne fonctionnait pas, et qu'il n'y avait pas de correction possible fonctionnant non plus. Heureusement la solution a nécessité juste un moment de réflexion de la part de mon adversaire : « Pourquoi les pions se déplacent-ils autour de la ligne de temps ? Cela ne fait que poser des problèmes. Quand je choisirai une action, je te donnerai quelques points. Tu les dépenseras quand tu voudras, et voilà !. »

 

Parfois trouver une solution se produit comme ceci : Quelqu'un doit vous convaincre de leur idée. Vous avez un plan dans votre tête, vous y êtes habitué, vous y êtes attaché, et vous écoutez seulement à contre-cœur les avis des autres. Et parfois quelqu'un dit deux mots, et vous savez immédiatement qu'ils ont raison. Vous finissez la phrase avec eux - comme cela s'est produit dans ce cas-ci. En un instant j'ai compris que Salou avait raison à 100%. Le déplacement des pions le long de la piste du temps causait de la confusion inutile. Il devait y avoir une autre manière d'implémenter le passage du temps.

 

J'ai rangé le prototype. « Je vais y réfléchir. Nous jouerons la semaine prochaine - avec des points. »

 

Une semaine a passé, et nous avons à nouveau joué, et le jeu fonctionnait bien mieux qu'avec la piste du temps. Et ainsi les Sabliers sont nés. La piste de Prinz a été vite oubliée, reléguée dans Thèbes, où elle fonctionne tellement bien.

 

Les détails et les solutions spécifiques ont changé à différentes étapes du jeu, mais la règle de base et fondamentale des Sabliers est restée inchangée. Et bien que les dizaines d'éléments échoueront, jamais les Sabliers. Ils fonctionnaient de manière incroyablement simple et c'est pourquoi ils étaient si efficaces. Le joueur attaquant déclare ses actions et, selon leur type et leur nombre, il donne un certain nombre de Sabliers au défenseur, qui à son tour les dépense pour ses actions. C'est comme cela que cela devait fonctionner. L'envahisseur a l'initiative ; il est celui qui décide combien d'actions il va prendre. Rien ne le limite, et tout est dans ses mains. L'envahisseur a la satisfaction sinistre de décider du destin du défenseur, ce qui est exactement la manière dont je voulais que le jeu fonctionne. Il peut construire des catapultes et des balistes et donner au défenseur dix Sabliers avec lesquels il pourra développer une stratégie défensive, ou lui peut dire qu'il « passe » et ne lui donner aucun point du tout. Le défenseur ne peut agir que dans la mesure où l'envahisseur le lui permet, prenant autant d'actions que le nombre de Sabliers qu'il reçoit. Le désespoir est son état d'esprit.

 

Un des souhaits, une des images du jeu que j'avais eu pendant les premières semaines de travail sur Stronghold a été ainsi mis en application au niveau des règles. L'envahisseur est confiant dans ses actions, il fait ce qu'il veut, il a l'initiative. Le défenseur, lui est, et bien, en défense. Il dépend des attaquants, il prie pour chaque Sablier, prie pour chaque instant de temps qui lui permettra de préparer les défenses de sa forteresse.

 

Je pouvais maintenant me concentrer sur la prochaine série de problèmes à résoudre…

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Ignacy Trzewiczek : Le journal du concepteur de jeu #5 - Jouer avec des piliers

 

Je me rappelle que j'ai appris il y a plusieurs années, que mon auteur préféré de Fantasy, Feliks W. Kres, ne lit aucun livre de Fantasy. Aucun. Il n'est pas intéressé par ce que les autres écrivent ; il n'aime pas le genre et n'a aucune intention de commencer à en lire. Dans notre domaine des jeux Reiner Knizia m'a choqué pour la même raison. J'ai appris de l'excellent article de Jacek Nowak, imprimé dans Swiat Gier Planszowych (le monde des jeux de société), que le docteur Knizia ne joue pas aux jeux d'autres auteurs.

 

Tandis que Machina (machine) et Zombiaki (zombies) ont été créés exactement comme les livres de Kres, car je n'avais eu aucune autre expérience de jeu de société à l'époque, Witchcraft et Stronghold sont des titres créés par un Trzewik conscient, un auteur avec une certaine expérience du jeu qui connaît beaucoup de solutions utilisées dans les jeux, un auteur qui peut trouver dans d'autres jeux des solutions toutes faites et les mettre en application dans son propre prototype afin de réaliser un résultat particulier.

 

J'ai écrit précédemment sur l'influence de la piste de Prinz, et aujourd'hui nous y ajouterons les cartes d'artisans des Piliers de la Terre. J'ai aussi essayé d'emprunter celles-ci, et de les utiliser dans Stronghold comme un outil dans les mains de l'envahisseur.

 

Le joueur attaquant le château doit prendre diverses actions. Certaines sont standard, comme la construction d'un engin de siège, la collecte des ressources, ou le mouvement de troupes. Certaines sont spéciales, comme envoyer un saboteur ou appeler des renforts. Cette division des actions m'a rapidement fait penser aux Piliers de la Terre, vu que ce jeu inclut des cartes d'artisans, avec des joueurs sélectionnant quelques cartes standard et ajoutant deux spéciales en plus. Cela m'a semblé être une piste intéressante.

 

J'ai créé huit cartes standard et un certain nombre de cartes spéciales, ne restait plus qu'à les essayer. Parmi les cartes standard il y avait la « collecte de ressources, » la « construction d'engins de siège », « déplacer les armées vers les murailles » et l' « assaut des murailles » ; parmi les cartes spéciales il y avait des choses vicieuses telles que « empoisonnement de l'eau » et « fureur sur les murs. » Parmi ces huit le joueur devait en sélectionner cinq au hasard, en ajoutant une speciale, et ceci constituerait son jeu d'actions pour ce tour. Il saurait ce qu'il pourrait faire en regardant son jeu.

 

Les avantages ? C'était rapide. Simple. Le jeu de cartes indiquait directement au joueur quelles actions il pourrait faire pendant ce tour. Il y avait de l'aléatoire, mais c'était potentiellement intéressant. Vous savez, parfois il serait sans construction d'engins, parfois sans ressources. Sa vie ne serait pas facile. Il devrait faire son choix, en négociant la meilleure manière d'utiliser les cartes qu'il a juste pioché de manière à se protéger contre une possible mauvaise pioche dans le futur. Cette méthode était très tentante, car elle forçait le joueur à planifier pour le futur - « j'ai besoin de beaucoup de bois pour commencer sérieusement la construction d'engins de siège à partir du tour 3 » - plutôt que de lui permettre de faire des plans à court terme : « Au prochain tour je collecte du bois et je construis une catapulte. »

 

Malheureusement non. Le système ne fonctionnait pas. L'attaquant prenait ses cartes et ne prévoyait rien, mais faisait juste ce que les cartes lui dictaient. L'aspect aléatoire était extrême. Quand le nombre de cartes standard était réduit, l'aspect aléatoire disparaissait, mais le jeu deviendrait ennuyeux (à cause du petit choix des actions). Quand la variété de cartes était augmentée, le jeu devenait plus intéressant parce qu'il donnait plus de possibilités de jeu, mais il devenait également extrêmement aléatoire. Nous exécutions les actions que nous avions piochées, pas ce que nous avions planifié. Nous ne prenions pas de décisions. Le destin décidait de ce que nous avions et de ce que nous jouions.

 

La transformation des cartes d'artisans en cartes d'actions dans Stronghold ne fonctionnait pas. L'idée d'employer six cartes standard et quelques cartes d'actions spéciales n'a pas fourni ce que nous avions prévu. Aucune planification n'était possible, et il n'y avait aucune satisfaction dans la multitude d'actions disponibles. Avec un coeur douloureux j'ai rangé les cartes dans un dossier d'« archives » et ai commencé à penser à une autre solution. De manière complètement inattendue j'ai alors inventé quelque chose qui est devenu l'un des moteurs principaux de la mécanique de Stronghold. Et elle n'a été empruntée à aucun autre jeu. Ou bien peut-être légèrement…

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Ignacy Trzewiczek : Le journal du concepteur de jeu #6 - les choix apparaissent

 

Les cartes d'action inspirées par les cartes d'artisans des Piliers de la Terre ne fonctionnaient pas dans Stronghold, du coup elles sont allées aux archives et j'ai recommencé à zéro. J'ai pris une feuille de papier et ai énuméré toutes les actions disponibles. J'ai listé les ressources, la catapulte, l'engin de siège, les saboteurs, le siège…

 

J'ai regardé les ressources et ai pensé : « OK, le joueur peut aller collecter des ressources. » J'étais à un pas d'une bonne solution, mais je ne le savais pas encore. L'idée s'approchait lentement, avec élégance. Cela a donc pris quelques bonnes secondes avant que je dessine quatre carrés près de la liste des "ressources", chacune d'entres elles avec un indicateur et un sablier. Ainsi, si un joueur veut obtenir une ressource, il mettra un soldat sur ce carré, et le défenseur recevra un sablier, qui comme j'ai expliqué précédemment, est un point à dépenser pour la défense de château. Si le joueur veut deux ressources, il mettra deux soldats sur les carrés et le défenseur recevra deux sabliers… Quelque chose de si simple. Le joueur consacre autant de de ses troupes qu'il veut et obtient exactement ce nombre de ressources, donnant au Défenseur ce même nombre en Sabliers.

 

La bonne idée était proche, juste au coin.

 

J'ai dessiné trois carrés et les ai colorés en rouge, bleu et blanc. Le premier représentait un troll avec une force de 3, le deuxième représentait un orc avec une force de 2, et le troisième était un gobelin avec une force de 1. La bonne idée était déjà assise à côté de moi et se laissait faire remarquer. Si le joueur consacre un troll et l'envoie à la forêt, il obtiendra trois ressources ; s'il envoie un orc, il obtiendra deux ressources ; et un gobelin rapportera seulement un morceau de bois.

 

« C'est bon, » j'ai pensé. Cette idée m'étonnait beaucoup.

 

Elle était bonne parce qu'elle générait des choix. Elle forçait l'envahisseur à prendre des décisions. Le joueur devait réfléchir à si il allait consacrer son meilleur guerrier (un troll) pour obtenir beaucoup de bois, tout en donnant au défenseur un seul sablier, ou s'il allait envoyer un combattant faible (un gobelin) et recevoir seulement une seule pièce de bois. Il pouvait aussi envoyer trois gobelins faibles pour obtenir trois morceaux de bois, mais en même temps il donnait au défenseur trois sabliers.

 

Ce procédé ne concernait apparemment que les ressource - censément rien de très important - mais elle était digne d'être considérée pleinement.

 

Cette idée exposait et supportait bien la fondation première de Stronghold : L'envahisseur a l'initiative et décide du nombre de choses qu'il permet au défenseur de faire. Le joueur attaquant peut envoyer un troll dans la forêt, obtenant beaucoup de bois, et le défenseur obtient seulement un Sablier, une action pour préparer la défense du château. Le joueur attaquant peut à la place envoyer trois gobelins dans la forêt. Il obtiendra beaucoup de bois, et il gardera le troll (qui sera disponible pour attaquer les murs), mais le défenseur obtiendra trois Sabliers. Trois sabliers est énorme ; cela permet de construire un chaudron d'huile bouillante. L'attaquant peut décider d'envoyer un gobelin dans la forêt. Il aura un seul morceau de bois, presque rien, mais le défenseur n'obtient pas beaucoup non plus. Ou mieux alors, l'envahisseur peut dire qu'il passe et n'envoyer personne. Le défenseur ne reçoit aucun point de Sablier pour sa défense.

 

L'initiative est du côté de l'envahisseur. Des choix et des décisions. Le désespoir est de celui du Défenseur. Je me dirigeais dans la bonne direction. J'ai suivi cette piste…

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Ignacy Trzewiczek : Le journal du concepteur de jeu #7 - le camp des envahisseurs

 

La règle que j'ai créée pour la collecte des ressources me semblait très intéressante. J'ai suivi cette piste et ai planifié toutes les actions de l'envahisseur, chacune d'entre elles en différentes versions, sur une grande feuille de papier.

 

Des exemples ?

 

La catapulte pouvait être construite en utilisant un troll, ou deux orcs, ou trois gobelins. La tour de siège ? Construite par deux trolls, trois orcs ou six gobelins. L'un d'entre eux irait à l'intérieur et commencerait à saboter les plans du Défenseur, alors que le reste mourrait en essayant de rentrer dans le château.

 

Il y avait des choix à chaque étape du jeu de l'Envahisseur. À chaque étape le joueur devait décider s'il allait perdre un bon guerrier sur la construction pour que le défenseur souffre du manque de Sabliers, ou construire en utilisant ces faiblards, les gobelins ; le défenseur obtiendra un bon nombre de Sabliers, mais je lui enverrai une unité des trolls sur les murs. Cela fera du grabuge.

 

Nous avons joué deux ou trois parties courtes et la solution fonctionnait. Salou, mon co-joueur de Stronghold depuis le commencement qui m'aidait à tester le jeu, choisissait et décidait à quel tour et à quelle étape il consacrait des trolls ou des gobelins ; il calculait et décidait. Le jeu ne fonctionnait pas encore - c'était encore un abri de fortune, un grand chantier de construction avec de la poussière dans l'air - mais cet élément, l'idée de consacrer des troupes différentes pour produire un nombre différent de sabliers, marchait.

 

Je me dirigeais dans la bonne direction.

 

Après quelques parties j'ai commencé à jouer avec le scénario. J'essayais de trouver un moyen de donner à cette idée pour les ressources du potentiel scénaristique, en plus d'être juste une mécanique élégante. Des artilleurs sont apparus sur la feuille. Le joueur pouvait former un orc pour devenir un artilleur. Il n'y avait aucun choix ici. Les trolls et les gobelins sont trop stupides pour être formés. J'ai ajouté les rituels des shamans, pour lesquels seuls des gobelins pourraient être sacrifiés ; les orcs et les trolls refuseraient de donner leur sang pour les rituels. Ces petites touches ont forcé Salou à mieux planifier ses mouvements. Il a dû faire attention aux nombresde gobelins envoyés en forêt, de peur de n'avoir personne à sacrifier rituellement. Il a dû mettre de côté ces orcs entraînés à être artilleurs.

 

Je n'ai ajouté aucune nouvelle règle. Tout était basé sur une seule phrase - « pour faire une action, placer un certain nombre de marqueurs de troupes sur le plateau et donner à l'adversaire un nombre égal de Sabliers » - mais cette phrase donnait des possibilités énormes. Il forçait le joueur à prendre des décisions à chaque phase du tour.

 

Je ne le cacherai pas, je suis obsédé par les décisions. J'ai créé des jeux depuis pas mal d'années. Cette obsession a été là depuis 2001, depuis que nous avons commencé à concevoir le jeu de rôle Neuroshima avec Michal Oracz. Nous avions analysé des dizaines de jeux de rôle, puis nous avons créé le système de création de personnage de Neuroshima - un outil puissant, qui a fait le succès du jeu et a donné aux joueurs beaucoup d'amusement. Je sais que les fans de jeu de société ne s'interessent pas nécessairement aux jeux de rôle, donc ne craignez rien, je ne vous ennuierai pas. J'énoncerai juste quelques chiffres. Quand un joueur crée un personnage dans Neuroshima, il a le choix entre 12 races différentes, chacune avec trois sous-catégories. Ce qui fait 36 options. Puis il sélectionne une des 26 professions, avec une ou deux capacités spéciales pour chacune d'entre elles. Cela fait 52 options multipliées par 36 options. Puis il sélectionne une des cinq spécialisations…

 

L'obession des choix. Des décisions. Pour inciter le joueur à réfléchir et à concevoir.

 

La feuille avec les actions de l'envahisseur listées se transformait lentement en camp militaire des envahisseurs. Des soldats pouvaient être envoyés dans une forêt voisine pour fournir des ressources. Des engins de siège étaient construits dans les ateliers. Les guerriers les plus capables, qui pouvaient modifier l'équilibre en faveur de l'envahisseur, étaient formés dans des tentes. Des espions, des saboteurs et des artilleurs quittaient ces tentes. À côté de eux, dans une chapelle, un shaman gardait des gobelins dans des cages pour les utilisés dans de sombres rituels. Au centre il y avait la tente du commandant, pleine de cartes et de plans. Des ordres de marche et d'aussaut des murailles était donnés là.

 

Stronghold prenait vie étape par étape. Les rêves et les visions étaient forgés pour devenir une réalité.

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Ignacy Trzewiczek : Le journal du concepteur du jeu #8 - Merci

 

Les testeurs - s'ils sont chanceux - verront leurs noms mentionnés vers la fin du manuel. En petits caractères. Quelque part à côté du copyright. Personne ne lit cela.

 

C'est franchement injuste. Pour commencer à produire un jeu vous avez besoin d'un homme qui l'invente, et de personnes qui le testent. Avant qu'il atteigne les magasins, d'innombrables tours devront être joués, des tours ennuyeux, bancals, frustrants, qui - soyons honnêtes - sont une perte de temps pour le testeur. Ce type pourrait jouer à Race for the Galaxy. Il pourrait jouer à Neuroshima Hex. Il pourrait jouer à Tikal. Mais non. Pendant 1 heure et demie il se disputera avec des règles en temps réel et s'assiéra à côté d'un plateau griffonné qui changera trois fois pendant le tour. Au lieu du matériel de jeu, il aura des morceaux de papier, trois versions des règles, des feuilles avec des règles des versions précedentes de prototypes qui sont retravaillées avec des nouvelles règles pas encore écrites. Et s'il parvient à gagner et a la chance de sentir une tout petite fraction de satisfaction, il entendra toujours : « Ouais, le jeu n'est pas équilibré. Je dois affaiblir l'effet de tes actions… »

 

C'est un travail terrible, mais il n'y aurait pas de jeux sans testeurs.

 

Ainsi si ce journal est censé être un rapport sur la création du jeu, sur la façon dont Stronghold est venu à l'existence - et un indicateur plus ou moins utile à d'autres auteurs - je dois mentionner les personnes qui ont accepté de jouer à Stronghold avec moi, les gens qui ont consacré beaucoup d'heures à étudier à fond ce jeu disjoint qui fonctionnait mal ; à s'ennuyer ; et à voir comment je recréais les règles en permanence.

 

Je ne peux pas imaginer comment je pourrais commencer à travailler à un jeu sans quelqu'un qui s'assiérait avec moi, jouant patiemment et acceptant avec indulgence tous les inconvénients. Sans quelqu'un qui m'inonderait avec des idées de génie à chaque étape, quelqu'un qui ne tirerait pas le jeu dans sa propre direction, mais se contenterait d'observer comment le jeu fonctionne ou se plante - tout en attendant mes mouvements, mes corrections. C'est un travail de saint.

 

En ce qui concerne Stronghold, ma plus grande reconnaissance va à Salou, le type qui a joué beaucoup de tours du jeu dans son état le pire et le moins gratifiant : quand il n'existait pas, ne fonctionnait pas, quand je venais le voir avec quelques fragments de règle et lui demandais de jouer. Nous avons joué beaucoup de tours et avons beaucoup parlé. Son influence a été grande, car même si j'ai rejeté la plupart de ses conclusions et idées, j'ai également pris beaucoup de ses remarques à coeur et ai essayé de les mettre en application dans le jeu.

 

Mon nom sera sur la boîte, et pourtant beaucoup d'idées contenues dans Stronghold ne sont pas miennes. Je pense que c'est le cas pour chaque jeu. Et bien, laissez-moi au moins faire un geste envers tous ces amis qui ont consacré leur temps à ce jeu, et leur montrer mon respect.

 

Salou ? À un certain point vous pouviez donner trois ordres de marche dans le jeu. Pendant plusieurs années, je me rappellerai le visage de Silent quand il a perdu à Stronghold au premier (!!) tour. Salou est entré dans le château comme une voiture de combat lancée à toute vitesse. Après ce tour, le nombre de marches est passé à deux. À un certain point le défenseur obtenait autant de sabliers que ce que l'envahisseur produisait. Et bien, je me rappellerai longtemps ma frustration quand Salou a dit "je passe", » n'a produit aucun sablier, et est entré dans le château. Après ce tour le défenseur a obtenu deux sabliers, même si l'envahisseur n'avait rien fait.

 

Silent ? Il a co-écrit la règle des catapultes. Vous devez savoir qu'elle est l'une des règles les plus cruciales du jeu. Nous nous sommes assis au MDK et avons discuté parce que les règles des catapultes ne fonctionnaient pas de la manière que je voulais, les machines étions trop puissantes ou trop faibles. Une minute ou deux de conversation, et bang, la solution est apparue. Silent n'a pas créé les catapultes ; Silent est les catapultes.

 

Obi ? Il a corrigé les règles des personnages parce qu'elles étaient bancales. Il a joué, attendu une heure, puis est venu vers moi avec un ensemble de règles prêtes à être utilisées pour l'officier et le guerrier. Aussi simple que cela. Elles ont été inclues dans dans le jeu inchangées. Elles étaient parfaites.

 

Michal Oracz et Multi, deux personnes de Portal, ont mis un nombre innombrable d'idées dans le jeu. Il est difficile de les mentionner. Les remarques des testeurs, leurs plaintes, leurs indications, leurs informations, comme quoi ils n'avaent aucune chance, que leur adversaire était trop puissant… Des dizaines de notes, de résultats notés, vérifiant à quel tour le jeu finissait.

 

J'essaie de me rappeler si j'ai oublié quelqu'un. (C'est possible.) Il y avait 25 personnes participant aux tests de Stronghold. Je n'ai pas envoyé le prototype tout autour de la Pologne ; ce jeu n'a pas été testé « théoriquement » « supposémment, » ou rapidement par des personnes que je ne connais pas. J'étais là à chaque partie. J'ai observé comment ils ont joué, surveillant leurs réactions. J'ai vu comment ils ont appris les règles, comment ils ont utilisé le potentiel du jeu, comment ils ont utilisé des stratégies pour essayer de surprendre et de défaire leur adversaire.

 

Et j'ai écouté. J'ai continué à écouter ce qu'ils disaient. J'ai mis mes émotions de côté, ai moyenné les opinions, et ai vérifié si elles se répétaient. Si elles revenaient souvent, je corrigeais la règle en question comme suggéré.

 

Ici je voudrais remercier toutes ces personnes pour avoir consacré des centaines d'heures de leur temps à moi, s'asseyant et jouant avec moi un jeu qui n'était pas terrible à ce moment là. Grâce à leur sacrifice Stronghold a été créé. Et c'est un bon jeu aujourd'hui…

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Ignacy Trzewiczek : Journal du concepteur du jeu #9 - murailles surpeuplées

 

Dans un des premiers articles de cette série j'ai mentionné comment j'avais au début imaginé le Stronghold : Du côté de l'envahisseur une vague d'armées, une ligne d'adversaires anonymes; et sur les murs quelques défenseurs, un groupe extraordinaire, doués de qualités variées. Mon rêve était de faire défendre le chateau par la communauté de l'Anneau.

 

C'est comme cela que nous avons commencé les tests. Il y avait des pions sur les murs marqués « Héros », «Officier», « Sorcier», et je me demandais si cela ne serait pas suffisant car j'avais encore « l'Eclaireur » et « l'Ingénieur » dans mon esprit. Chacun d'eux a reçu une capacité unique, qui permettait au Défenseur de résister à l'Envahisseur :

 

 

 

Le Héros tuait l'unité la plus forte de l'adversaire sur une section des murailles donnée.

L'Officier pouvait faire un discours et augmenter la force des troupes sur une section des murailles donnée.

Le Sorcier pouvait jeter un sort pour renforcer une partie donnée du mur.

Le Prêtre pouvait guérir les blessés.

L'Eclaireur pouvait détruire les engins de siège.

L'Ingénieur pouvait réparer les murs détruits et construire des chaudrons d'huile.

 

Une vague d'armées s'approcherait depuis le camps l'Envahisseur, inonderait les murs essayant de les franchir, pour défaire la poignée de soldats se tenant sur les remparts, luttant pour le futur du château. Il y avait des héros parmi eux. Il y aurait un problème quelque part, et le Défenseur enverrait y l'Officier. L'Officier ferait un discours et les troupes résisteraient à l'Envahisseur. Il y aurait un problème ailleurs, le Héros s'y précipiterait, achevant un troll et les choses sembleraient meilleures. Il y aurait des blessés quelque part, et le joueur enverrait le Prêtre et les soldats seraient à nouveau en état de se battre. Et ainsi de suite, et ainsi de suite. Le joueur a douze sections du mur et quatre ou cinq héros et il doit se débrouiller d'une manière ou d'une autre. C'était le concept initial.

 

Cela paraissait bien - du moins jusqu'à ce que nous avons commencé à jouer. Il y avait les pions des héros positionnés sur les murs, à côté des soldats ordinaires, et les murs étaient surpeuplés ; il a été rapidement clair que cet entassement était inutile. Le déplacement de ces pions le long des murs était laborieux, coûteux (beaucoup de sabliers étaient gaspillés a marcher le long des murs), et dans beaucoup de cas complètement inutile. Au lieu de me concentrer sur quelles actions faire, je me concentrais sur où je devais déplacer un pion, où il devrait se trouver, et combien il allait me coûter. Le coût de déplacement d'un héros était si élevé qu'il n'en valait presque pas la peine. Quand j'ai réduit le coût du déplacement sur les murs une question s'est posée : « Pourquoi représenter où ils se trouvent, si les déplacer ailleurs ne coûte presque rien ? »

 

Ca ne marchait pas. Si l'Ingénieur se tenait de l'aile gauche de la forteresse, l'Envahisseur utilisait la catapulte pour attaquer le côté droit. Cela n'en valait pas la peine pour l'Ingénieur de courir jusque là pour réparer le mur. Le Prêtre courrait le long des murs pour guérir des personnes, alors qu'il pourrait être dans un hôpital pour cela. De même le sorcier - pourquoi courir s'il pouvait réparer n'importe quelle section avec sa magie… ?

 

J'ai fait un mini test, un tout petit essai. Malheureusement pour le concept des héros courant le long des murs, l'épreuve était réussie. J'ai dessiné un hôpital, une tour du Sorcier, un atelier sur le plateau, à l'intérieur des murs. Pour deux Sabliers vous pouviez guérir dans l'hôpital, pour quatre sabliers vous pouviez comme par magie renforcer le mur depuis la tour du sorcier ; vous pouviez construire des chaudrons d'huile dans l'atelier. J'avais les actions disponibles, j'avais la variété des actions, et je n'avais pas besoin de devoir me battre avec des pions courant sur les murs. Malheureusement pour la Communauté de l'Anneau, cela tout fonctionnait plutôt bien.

 

Sans doute je n'ai pas trop aimé cette étape, sans doute je m'éloignais d'un pas de la voie que j'avais imaginée et dont j'avais rêvé, mais je savais que je me dirigeais la bonne direction, que cela me plaise ou pas. Un travail sérieux sur la révolution à l'intérieur des murs avait commencé…

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Ignacy Trzewiczek : Le journal du concepteur du jeu #10 - nettoyage du château

 

Le concept des héros courant le long des murs, résolvant les problèmes en cours, a commencé à vaciller. Il était ennuyeux, incommode, et d'une manière plus importante la solution de rechange expérimentale - plaçant des lieux au centre de la forteresse - fonctionnait élégamment et habilement. Clairement, c'était un point où je devais abandonner ma vision initiale et appliquer une solution plus pratique, plus élégante et plus simple. J'ai commencé à nettoyer le château.

 

Dans l'hôpital j'ai dessiné des espaces pour trois soldats blessés. Si plus de soldats que cela sont blessés dans le tour, l'hôpital ne parviendra pas à tous les soigner, et ces soldats mourront. Scénaristiquement c'était intéressant, dramatique ; du point de vue des règles, simple, parfait - juste trois emplacements. Vous pouviez mettre trois marqueurs là et pas un de plus. Quand le prêtre courait le long des murs plus tôt, il n'y avait aucune possibilité pour inclure une telle règle. Grâce au changement de concept, c'est devenu possible.

 

C'était bon pour le Sorcier, aussi. Précédemment il pouvait seulement renforcer une section du mur, mais puisque j'avais quelques centimètres carrés sur le plateau, non seulement je lui ai dessiné une belle tour, mais aussi quelques sorts parmi lesquels il pouvait choisir. Le Sorcier s'assiérait dans la tour et pourrait jeter ce sort, ou celui-là ou… Le joueur avait un choix. Comme vous le savez, je suis obsedé par les choix. J'aimais ce choix.

 

J'ai suivi cette piste et j'ai aussi ajouté plus d'options pour l'atelier. Précédemment l'ingénieur pouvait reconstruire le mur ; maintenant il se trouvait qu'il pouvait également construire un chaudron d'huile, mettre une baliste dans la tour… Le joueur pouvait choisir quelle action prendre et… celle-ci se réalisait.

 

Je savais qu'il n'y avait pas de retour en arrière au concept de héros, et que l'idée originale entrerait dans les archives. La mise en place de quelques bâtiments à l'intérieur du château disponibles pour le joueur, où il pouvait choisir diverses actions intéressantes, était une solution bien meilleure que mes idées romantiques impliquant Gandalf courant le long des murs. D'ailleurs, plus le temps passait, plus l'idée semblait meilleure. À côté de chaque action j'ai dessiné des espaces pour les Sabliers que le joueur obtiendrait de l'envahisseur. La construction d'une baliste prenait quatre Sabliers, un chaudron d'huile en prenait trois. Un sort coûtait deux Sabliers, d'autres en prenaient quatre. Le joueur avait une gamme de possibilités, une petite ville pleine de bâtiments et de possibilités à explorer. Il y avait des choix, des décisions ; il y avait de la place pour un plan de défense de château.

 

Pendant l'une des premières parties de test un événement s'est produit qui a enterré l'idée initiale et a rendu celle des lieux du château victorieuse dans la bataille pour rester définitivement dans Stronghold. À un certain point Salou a généré cinq Sabliers pour moi. J'en ai dépensé trois pour construire un chaudron d'huile, et les deux autres sont allés dans la tour du Sorcier, où il a commencé à préparer un sort. Je n'avais pas assez de Sabliers pour le finir, donc j'ai juste laissé ces deux là.

 

« Tu peux faire cela ? » a demandé Salou.

 

« Bien sûr, le type prépare un sort, » j'ai répondu. « Comme tu peux le voir, il n'a pas encore fini, mais il le finira. Tu peux en être sûr. »

 

J'étais radieux. Scénaristiquement, c'était merveilleux - épique, coloré, vif. Pendant le jeu les Sabliers allaient dans différents bâtiments et représentaient les groupes travaillant comme des fourmis à construire et à créer ce qu'ils pouvaient. Le joueur avait sous son nez tout ce qui se passait dans le château. Vous pouviez voir des constructeurs construire une baliste ici, un Sorcier travaillant à un sort là. Ici je rajoutais un Sablier et pouf, il avait fini, j'avais une baliste ; là je devais encore attendre, j'avais besoin de deux Sabliers supplémentaires, pour que le Sorcier finisse…

 

Je savais qu'il me restait encore beaucoup à faire, plusieurs semaines à créer les actions qui pourraient être faites par la population du château. Je savais que j'allais prendre du plaisir à tout équilibrer, et que des dizaines de détails allaient en sortir. Néanmoins je pouvais fièrement dire : « C'est prêt. Cà sera dans Stronghold. Cà fonctionne. Maintenant il reste juste à le polir. »

 

Ces règles signifiaient une rupture avec la vision originale. Elles étaient un pas dans l'inconnu initialement douloureux, mais inévitable. Elles ont été créées parce que les suppositions originelles n'avaient pas fonctionné, et que les forcer dans le jeu le détruirait. Je pouvais continuer, je pouvais jeter une idée par dessus bord et aller en chercher une autre. Je peux me tromper, mais je pense qu'il est important de ne pas être lié à une chose, d'avoir un esprit ouvert et de toujours rechercher de meilleures solutions.

 

En tous cas, je ne vous duperai pas. Bien que j'aie inclus les bâtiments, les actions et les Sabliers dans le château, j'ai laissé une trace de la vision originale, une touche romantique de la toute première image de Stronghold. Aragorn et Boromir combattaient toujours sur les murs. C'était leur place, sur les murs. Pas dans les bâtiments à l'intérieur du château…

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Ignacy Trzewiczek : Le journal du concepteur de jeu #11 - points de victoire

 

Je pourrais parler longtemps des points de victoire. Travailler sur cette partie des règles m'a pris un temps énorme alors que j'y consacrais plus de force et d'énergie que je n'aurais pu imaginer. Je suspecte que ceci provient du fait que j'ai approché le problème sous un mauvais angle. Je suspecte que les maîtres du genre auraient fait cela différemment, mieux, plus intelligemment et que si Kramer ou Lehmann lisaient cet article, ils s'étrangleraient et crieraient : « Jeune homme, vous avez choisi un chemin terriblement long pour arriver à ce résultat ! » Peut-être. Ou peut-être pas ? Peut-être que les points de victoire sont toujours un travail lourd et épuisant, et nous ne réalisons pas la masse d'effort nécessaire aux auteurs pour cette partie. Je ne me sais pas moi-même.

 

Pendant les premières parties de Stronghold, quand les joueurs se sont assis pour jouer, ils entendaient : « Vous êtes l'envahisseur ; si vous entrez dans le château, vous avez gagné. Vous êtes le défenseur ; si vous pouvez résister dix tours, vous avez gagné. » Le but du jeu était l'entrée dans le château, du coup les règles étaient assez simples.

 

Cette idée n'a pourtant pas survécu à la confrontation avec la réalité. Je me rappelle une des premières parties, Maciek Janik était parvenu à défendre le château jusqu'au tour 9, et là le chateau est tombé. « Tu as perdu, » a dit son adversaire. J'observais le jeu attentivement, et on pouvait dire beaucoup de choses sur cette partie, mais pas que Maciek avait perdu. Il avait combattu comme un lion. Il avait défendu le château comme un démon. Il était partout, m'étonnant même moi de la manière qu'il utilisait la première version des règles pour défendre le château. Il a tenu sans fléchir jusqu'au foutu tour 9. Il méritait un peu plus que la déclaration lourde et cynique « tu as perdu. » Les conditions de victoire devaient être modifiées.

 

J'ai présenté la victoire progressive : Entrer dans le château au tour 8 signifiait un match nul. Y entrer au tour 7 signifiait la victoire de l'envahisseur, et y entrer au 6 ou avant signifiait une victoire éclatante. Par ailleurs, entrer au tour 9 signifiait la victoire du défenseur, et entrer au tour 10 signifiait une victoire éclatante pour le défenseur. Cette graduation semblait intéressante. Le défenseur voyait qu'il devait tenir jusqu'au 10ème tour pour une grande victoire ; qu'il devait tenir jusqu'à ce qu'au 7ème tour pour éviter une victoire éclatante de l'envahisseur ; qu'il a devait tenir jusqu'au tour 8 pour un match nul... Il avait une raison de se battre un tour de plus, et encore un de plus....…

 

Quelques jours plus tard j'ai amélioré les mécanismes et ai introduit des points de victoire. L'envahisseur commençait le jeu avec 12 points et donnerait un point au défenseur après chaque tour. Au tour six le score était de 6 à 6 et chaque tour suivant signifiait une plus grande victoire pour le défenseur. J'aimais beaucoup ce mécanisme. C'était comme une minuterie - l'envahisseur pouvait voir ses points de victoire disparaître à chaque tour, il pouvait voir qu'il devait se dépêcher ou sinon la victoire lui échapperait des mains. Cela semblait sensationnel. Excitation garantie. À un moment j'ai ajouté du scénario en transformant les points de victoire en points de gloire et en disant joyeusement aux joueurs que les PG représentent la manière dont la bataille était rapportée dans les chroniques. Les analystes s'attendent à ce que le château tombe, prêts à écrire douze volumes sur l'armée de l'envahisseur victorieux. Malheureusement, après chaque tour il s'avère que les analystes notent à la place avec quelle bravoure les défenseurs ont combattu, comment ils se sont tenus sur les murs, la tête haute, comment avec chaque jour qui passait l'armée de l'envahisseur échouait à briser les défenses de château. Oui, ce pour quoi le joueurs se battaient était la manière dont on se rappellerait d'eux dans l'histoire. Cela semblait convaincant.

 

La confrontation avec la réalité a été très surprenante pour moi, comme d'habitude - cette fois, le rôle du marteau de forgeron qui m'a frappé dans la tête fut pris par Michal Oracz. Au sixième tour d'une des parties bêta il a arrêté la partie. « Bon, puisque je n'ai pas réussi à entrer dans le château, je ne joue plus. » J'étais en état de choc. Je ne comprenais pas. « Pourquoi devrais-je jouer ? Pour savoir si j'ai simplement perdu ou si j'ai perdu fortement ? Aucun intérêt. Je ne peux plus gagner, donc je ne joue plus. »

 

Je me suis tenu là au milieu du bureau et ne pouvais pas le croire. Mais qu'en est-il du défenseur, pourquoi lui enlever son droit de pouvoir goûter la victoire ? « Je ne joue pas à un jeu où je ne peux plus gagner. » Malheureusement, Michal était sérieux. « En outre, je n'aime pas le fait de perdre des points. Ça ne peut pas marcher comme cela. Laisse le défenseur gagner des points, mais ne m'oblige pas à les perdre. On ne peut pas faire perdre des points à un joueur. »

 

Super. Vraiment super. Je ne savais pas combien de malades de ce genre il pouvait y avoir, combien abadonneraient la table après avoir vu qu'ils n'avaient plus aucune chance de gagner. Je savais, cependant, que Michal donnait un signe clair : Il y avait un bug dans le jeu, et il devait être modifié. Je n'étais pas d'accord avec lui sur les points qui disparaissaient - c'est une question de goût. J'avais mis en place cette règle pour être flexible, montrant bien que le gagnant sent la victoire glisser entre ses doigts, et je n'avais pas l'intention de modifier ce mécanisme.

 

Ce qui était pire était cet abandon du jeu. C'était un problème. C'était une déclaration liée au contenu, c'était un fait - si un joueur n'a aucune possibilité de gagner, pourquoi devrait-il jouer ? Michal avait raison.

 

C'est Multidej qui m'a sauvé. Un jour il a apporté une table au bureau. « Ce sont les objectifs, et les joueurs peuvent recevoir des points de victoire additionnels s'ils les atteignent. Comme-ça même dans les derniers tours l'envahisseur a des moyens supplémentaires de gagner des points. » La table avait l'air insensée : Si l'envahisseur pénétrait dans le château, il recevait 1 VP, s'il construisait 4 machines, il reçevait 1 VP, s'il tuait au moins 10 défenseurs, il recevait 1 VP, et ainsi de suite. Il y avait une table semblable pour le défenseur : 1 VP pour défaire 3 trolls, 1 VP pour poser 3 pièges, etc.

 

Ce concept a créé un signe clair pour l'envahisseur : Au tour 7 tu construis ta quatrième catapulte, mon gars, tu tues le dixième défenseur, tu pénètres dans le château criant et souriant. Tu gagnes ! Les actions glorieuses ont amélioré les mécanismes et ont ajouté une autre bouffée d'atmosphère au jeu. Les analystes ont donné à l'envahisseur des points de gloire parce que son siège était légendaire dû au nombre de machines de siège ou au nombre de défenseurs tués… Oui, l'envahisseur avait maintenant quelque chose pour lequel on allait se souvenir de lui, comme pour le défenseur.

 

Il y avait toujours un problème avec les tours 8 et 9, cependant, avec le mécanisme de disparition des points. Si, par exemple, les points au tour 8 étaient de 7 à 5 pour le défenseur, il était incroyablement difficile pour l'envahisseur de remporter suffisamment d'actions glorieuses pour gagner. Heureusement la solution a été trouvée rapidement : L'envahisseur recevrait +1 point de victoire pour chaque section du mur du château qu'il parviendrait à franchir. Maintenant dans la situation ci-dessus, pas d'inquiétude - il suffit de faire un assaut de masse et d'arriver à passer trois sections du mur simultanément sous les pleurs, les gémissements, les cris et les prières des hommes du défenseur. Vous gagnez +3 points pour franchir plusieurs sections du mur et voilà, les points sont de 7 à 8, vous avez gagné… « C'est OK » Michal a reconnu. Bien sûr que c'était ok, je pouvais le voir à l'œil nu. Le mécanisme du temps qui passe et qui fait pencher la balance en faveur du défenseur était mise en place avec succès, et en même temps l'envahisseur avait une chance de gagner, même au 10ème et dernier tour - bien évidemment, il devrait pratiquement raser le château. Il avait une raison de rester à la table et de jouer. Mission accomplie.

 

Tout se passait bien. Les actions glorieuses, les points qui disparaissaient, tout cela amenait des tonnes d'atmosphère, plein de potentiel scénaristique et cela fonctionnait assez bien. Je changeais constamment des choses ici et là, j'améliorais, je substituais les buts à réaliser, le système était poli dans les parties suivantes et étape par étape tout cela se dirigeait vers sa forme finale.

 

Et alors j'ai eu un éclair de génie, et une révolution s'est mise en place - je me suis débarrassé des objectifs du défenseur.

 

J'ai introduit un Conseil Royal dans le château. Le Conseil avait le droit de s'assembler et de prendre des décisions dramatiques, peut-être en commençant des pourparlers avec l'envahisseur. Le défenseur recevait trois Sabliers de temps, mais perdait des points de gloire puisque de telles négociations étaient déshonorables. Le Conseil pourrait décider d'ouvrir les portes des cachots dans le château ; le défenseur recevrait deux cubes de soldats pour combattre, mais perdrait également un point de gloire vu qu'avoir des prisonniers sur ses murs est un déshonneur. Le Conseil pourrait décider d'envoyer des tables, des chaises, tous les meubles au charpentier pour sauver le château. Le charpentier reçoit quatre sabliers, mais le château est vandalisé et les analystes écrivent cela, coûtant ainsi des points de gloire au défenseur…

 

Aujourd'hui, après beaucoup, beaucoup de mois à polir ces règles je peux dire que la mission est accomplie. L'envahisseur commence le jeu avec neuf points de gloire. Il aurait pu en avoir 10, autant que le nombre de tours, mais non, les analystes en ont pris un, dès le début. Ils ont écrit que la population du château n'a pas ouvert ses portes. Ils ont montré leur courage et leur prouesse en acceptant la bataille. Le score au début est donc de 9 à 1 pour l'envahisseur.

 

L'envahisseur a quatre objectifs différents qu'il peut accomplir pour gagner quatre points de gloire : il peut briser les murs de château, il peut attaquer avec des trolls, il peut accomplir des actions glorieuses. Le défenseur, d'autre part, n'en gagne pas ; il essaye de les préserver, il doit résister. Il a quatre points de gloire dans son Conseil royal. Si le conseil ne se réunit pas, le défenseur ne les perd pas. Malheureusement, le combat sera dur, et le conseil se réunira sûrement. La question est combien de fois, combien de ces quatre points le défenseur pourra-t-il garder jusqu'à la fin du jeu.

 

En conclusion, il y a la troisième réserve de points : L'envahisseur reçoit trois points de gloire pour entrer dans le château, plus un point de gloire pour chaque section du mur capturée. Le défenseur reçoit un point de gloire pour sa bannière, une bannière tenue par deux soldats au milieu du château qui ne combattent pas. Ils ne se précipitent pas aux murs pour les sauver, mais tiennent ce qui est cher à tous les soldats : la bannière. Si le défenseur les garde loin du combat et se débrouille sans eux, s'il peut se permettre de garder deux soldats « inoccupés » au milieu de la cour avec la bannière, il recevra un point de gloire à la fin de chaque tour à partir du 6è. Je n'ai pas besoin d'ajouter qu'au sixième tour le défenseur est tellement dans la panade que garder des soldats avec une bannière au milieu de la cour est du suicide. D'un autre côté, tout le monde souhaite qu'ils restent immobiles à tenir cette bannière aussi longtemps que possible. C'est la bannière de château après tout. Quelque chose de sacré…

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